Aujourd’hui, je décide de mettre une grosse partie de mon énergie professionnelle et militante pour « Les cahiers pour décider et agir », un projet de documentaire montrant des assemblées délibératives décisionnelles, couplé à un projet de série TV d'anticipation politique, pour dessiner un chemin vers d'autres règles du jeu, bien plus démocratiques.
Voilà pourquoi un tel projet :

Après avoir obtenu et contribué à organiser la Convention Citoyenne pour le Climat, finalement trahie par le Président (bilan ici).
Après avoir conçu, testé et documenté des dizaines d’innovations démocratiques dans des villages, des villes, des départements et des régions partout en France (exemples ici).
Après avoir expérimenté avec succès plusieurs assemblées délibératives décisionnelles comme au Smicval (syndicat de gestion de déchets en Gironde) ou à Poitiers.
Après avoir contribué à lancer un Démomètre pour permettre à chacune et chacun d’évaluer la qualité démocratique d’une mairie ou d’une organisation.
Après avoir fédéré des centaines de structures, d’élus locaux, de chercheurs, de personnalités publiques, d’entrepreneurs et de créatifs autour des enjeux démocratiques, au sein de l'ONG Démocratie Ouverte.
Après avoir organisé et contribué à des dizaines d’événements, colloques, assemblées, ateliers, débats et conférences.
Après avoir fait signer un Pacte démocratique aux candidats (à certains candidats) à la présidentielle, réunissant une trentaine de mesures pour démocratiser nos institutions, nos médias et l’ensemble de notre société.

Après avoir publié des dizaines d’études, rapports, fiches méthodologiques, pétitions, tribunes, chapitres d’ouvrages collectifs, appels et articles de presse.
Après avoir imaginé et lancé la Fresque de la démocratie, outil d’éducation populaire permettant de se poser la question du fonctionnement de notre système politique et d’inventer de nouvelles règles du jeu.
Après avoir co-fondé le Labo des Partis pour étudier de près le fonctionnement des partis politiques et imaginer 6 scénarios de « partis et mouvement du futur » qui dessinent des organisations politiques désirables…
—> Je sais qu’une autre démocratie est possible, bien plus démocratique, basée sur l’organisation d’assemblées tirées au sort, facilitées par des outils d’intelligence collective et de gouvernance partagée. J’ai éprouvé ces méthodes démocratiques de l’intérieur. Elles sont robustes et efficaces.
—> Je sais que ces assemblées peuvent et doivent être décisionnelles, c’est à dire qu’elle ne remettent plus un avis consultatif mais écrivent elles-mêmes les lois, les options à soumettre au peuple par référendum ou les délibération d’une collectivité locale.
—> Je sais que si demain ces manières de décider et ce type d’assemblées devenaient la norme, si elles remplaçaient nos vieilles institutions pseudo-démocratiques poussiéreuses, immatures, poreuses aux lobbies, incapables de répondre aux enjeux contemporains ou de générer de l’engagement ou de la confiance… alors cette nouvelle démocratie complète, mature et robuste permettrait de façonner une société forte, bien organisée face aux défis environnementaux, génératrice d’égalité femmes-hommes, accueillante de l’étranger et de la différence, sécurisante pour toutes et tous, en assurant une sécurité physique, sociale et financière minimale à chacune et chacun. Le dessein d’une société plus juste passe mécaniquement par une démocratie plus effective.

Je sais tout ça. Vous le savez peut-être aussi.
Mais j’ai l’impression que nous sommes bien peu nombreux à avoir cette conviction.
Combien de militantes et militants qui restent dans leur couloir de nage, sans agir pour l’enjeu démocratique alors-même qu’ils ne cessent de perdre leurs combats à cause d’institutions défaillantes et incapables de décider réellement en faveur de l’intérêt général ?
Combien de téléspectateurs hébétés par l’histoire qui s’accélère et par la vague fasciste qui déferle sur nous (depuis Trump-Musk jusqu'au RN en France), sans comprendre qu’il serait possible d’y résister justement en mettant en place un système vraiment démocratique, avec un pouvoir et des contre-pouvoirs citoyens à tous les étages ?
Combien d’électeur·ices qui ne se rendent plus aux urnes, dégoûtés par le système, ou qui s’y rendent par devoir, sans vraiment y croire, alors qu’on a, à portée de main, un autre système politique bien plus efficace ?
Combien de rédacteurs de cahiers de doléances, de Gilets Jaunes, de nuits debout, de marches pour le climat et de manifestant·es qui y ont cru ? Qui sont aujourd'hui dégoûtés du système mais qui n'attendent qu'une chose : qu'une étincelle embrase la colère populaire et remplace notre système oligarchique par un modèle démocratique et citoyen.

À la veille de mes 40 ans, voilà l’endroit où je veux mettre mon énergie. J’ai un message à faire passer :
OUI, il est possible d’installer une vraie démocratie dans notre pays, puis peut-être partout sur la planète (je laisserai cette partie là à mes enfants).
OUI, une autre société est possible, qui ne sera plus dirigée par l’argent et le profit mais par l’action collective en faveur de l’intérêt général et la co-décision.
Pour ça, il nous faut gagner la bataille culturelle. Il faut que cette nouvelle démocratie des assemblées délibératives décisionnelles devienne une revendication populaire omniprésente. Il faut que des mouvements citoyens, des personnalités publiques et des partis politiques s’en emparent. Il nous faut établir un rapport de force. Il faut une révolution, probablement.
Sinon quoi ? Le fascisme, la guerre, l’extrême droite qui attise les peurs et joue sur les colères à coup de fake news, de coups de mentons et de bruits de bottes ?
Les cahiers pour décider et agir, c’est un contre-modèle au fascisme. C'est le début d’un mouvement citoyen. C’est une manière de montrer au très grand public, d’abord via un documentaire, que cette nouvelle démocratie, elle fonctionne. Elle est opérationnelle.
Les cahiers pour décider et agir, c’est aussi une fiction qui va montrer un chemin pour se sortir du bourbier actuel et s’appuyer sur un mouvement social pré-révolutionnaire afin d’installer pacifiquement ce nouveau système politique.
C’est en tout cas l’ambition qui me porte.
C’est la raison de mon implication dans ce projet.
Comme Claude Alphandéry et tant d’autres résistants avec lui, jamais je n’accepterai de me résigner. Et comme lui, j’espère pouvoir mourir en paix à 101 ans, en contemplant les fruits de cette démocratie mature que j’aurai peut-être contribué à mettre en place.
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